Joel CADIOU

Promenade exterieur

 

Il est des heures où la ville, dépouillée de ses clameurs, retrouve l’essence même de sa nature profonde. La nuit, Paris n’est plus un théâtre où s’agitent les foules pressées ; elle devient un vaste jardin de pierre et de lumière, un espace où l’âme du promeneur solitaire se mêle à celle des rues désertes. C’est dans ce silence peuplé d’ombres que j’ai choisi de poser mon regard, à la recherche non pas de ce que la ville montre, mais de ce qu’elle dissimule au cœur de sa propre obscurité.

Il n’est point besoin de la présence des hommes pour sentir la vie vibrer dans les pavés luisants, les façades muettes, les fenêtres éclairées d’un éclat isolé. L’absence d’humains n’est pas un vide, mais une respiration nouvelle, une manière d’écouter la ville elle-même, débarrassée des échos trop bruyants du jour.

La pose longue, complice discrète de cette quête, prolonge l’instant, étire le temps, jusqu’à faire surgir l’invisible.

Ce Paris-là n’est pas celui des monuments éclatants ni des cartes postales ; c’est un Paris intime, parfois méconnaissable, où chaque ruelle, chaque pont, chaque mur devient un paysage de l’âme. Il y a dans cette errance nocturne une part de contemplation, mais aussi une douce mélancolie, celle que l’on ressent face à ce qui échappe, à ce qui passe. Car la beauté de la nuit parisienne réside précisément dans ce fragile équilibre entre l’éphémère et l’éternel.

En photographiant Paris ainsi, je n’ai pas cherché à le posséder, mais à m’y perdre.

Ce travail est donc une promenade intérieure autant qu’un voyage visuel, une tentative de saisir ce qui ne se dit pas, mais se ressent.

Et peut-être est-ce là, dans cette solitude partagée avec la ville endormie, que se trouve la véritable poésie de Paris. Non pas dans ce qu’elle montre au grand jour, mais dans ce qu’elle murmure à ceux qui savent l’écouter.